Dans les pas du metteur en scène...

Du 12 au 16 mars dernier, Charlotte, élève au collège Jacqueline de Romilly de Magny-le-Hongre (77) était en stage de 3e auprès d'Elsa Rooke, metteur en scène de La Cenerentola.
Elle partage avec nous son "journal de bord", récit d'une belle rencontre et d'une aventure humaine hors du commun.

"Mardi 12 mars 2013 :
Première journée de stage. J’avais auparavant rencontré Elsa Rooke (mon maitre de stage) et pendant plusieurs heures, elle m’avait raconté l’organisation d’un opéra, tout le vocabulaire, pour que je ne sois pas trop perdue en arrivant.
J’arrive à 13h30, Elsa me présente à Hélène, pianiste, deux chanteurs du chœur, Bruno le costumier, Bernard et Diane les régisseurs, Dominique [Rouits] le Chef d’Orchestre. Nous sommes dans l’auditorium, la salle où aura lieu le spectacle. Je rencontre les artistes de la Cenerentola, un groupe qui m’accueille très chaleureusement. Ils sont en majorité des chanteurs italiens. J’ai réalisé que la langue principale de toute cette semaine allait être l’italien puisqu’Elsa, la pianiste, le chef d’orchestre parlent couramment italien. Les décors sont montés, et les répétitions commencent. J’ai visité la salle des costumes, les coulisses.
J’ai observé la répétition, d’abord parlée (pas chantée) puis chantée, la mise en place n’est pas encore travaillée. Les régisseurs donnent les « tops » pour signaler les entrées de chacun. J’ai été surprise par la puissance des voix magnifiques, la maîtrise des partitions (un travail énorme en amont). Ce qui m’a le plus mise à l’aise est l’ambiance décontractée, les fous rires, les clowneries et l’attitude professionnelle d’Elsa qui réussit à faire avancer le projet. Nous terminons à 20h pile.
Mercredi 13 Mars 2013 :
Aujourd’hui, nous reprenons les répétitions, mais de manière séparée. D’abord le chœur (13 hommes) qui chante et qui travaille la mise en place. Le résultat est déjà impressionnant, rigueur des pas réglée au millimètre (ils ont des repères au sol) et rythmée sur la musique tel des petits soldats. Vers 15h00 ; arrivent les solistes. Il en manque un depuis hier, il est malade et cela complique les répétitions…c’est donc Elsa qui le remplace. Les solistes ont été impressionnés par la chorégraphie du chœur. A partir de là, toutes les répétitions suivantes se font ensemble (solistes + chœur). Cenerentola porte déjà son costume (celui en haillon), l’une des sœurs porte le panier (que l’on met d’habitude sous les robes) par-dessus son jean afin qu’elle s’habitue aux dimensions de la robe. Tout est chronométré, le temps d’habillage, déshabillage, changement de décors, les déplacements. Le chef d’orchestre assiste à toutes ces répétitions et intervient quand il voit que le tempo n’est pas adapté à la partition de l’orchestre. (L’orchestre n’est pas là).
Une fois de plus, l’ambiance est excellente sur le plateau, travail dans la joie et la bonne humeur.

Jeudi 14 Mars 2013 :
Le rythme de travail est un peu différent, le travail se fait scène par scène avec interruption à la fin de chaque scène pour débriefing. Elsa apporte des modifications.
La scène est rejouée. Je suis très impressionnée car une fois jouée, toutes les modifications sont mémorisées par les chanteurs, une fois pour toutes ! Ce sont des professionnels !
Le spectacle commence à prendre forme et je commence à découvrir l’histoire dans l’ordre. Beaucoup de temps est consacré à la scène de la tempête, scène pendant laquelle un rideau magnifique joue un rôle très important mais il ne veut pas coulisser comme il faut. Cela perturbe les répétitions mais ne les empêche pas de continuer.
Elsa laisse de grandes libertés aux artistes, elle accepte leurs propositions avec entrain. L’accessoiriste la remercie d’ailleurs car il n’a pas souvent cette liberté et apprécie l’ouverture d’esprit d’Elsa.
Seul bémol…l’un des solistes est toujours absent.

Vendredi 15 Mars 2013
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Une journée différente des autres. Côté plateau, les éclairages commencent à fonctionner. Les électriciens en charge des éclairages : il y a le régisseur lumière qui travaille depuis une cabine qui surplombe la salle et "envoie" les effets lumière en pressant les boutons d'une console -également appelée jeu d'orgue- dans laquelle sont enregistrés tous ces effets. Il y a aussi les poursuiteurs, qui sont les électriciens qui manœuvrent les "poursuites", projecteurs mobiles qui suivent (ou "poursuivent" donc!) un personnage pour accentuer la lumière sur lui seul par rapport aux autres.
J’ai aidé l’accessoiriste à modifier un décor (je me suis sentie utile !). Je me suis rendue ensuite dans le bâtiment voisin, où se trouvent les services administratifs. Eugénie, m’a présenté à une dizaine de personnes qui m’ont chacune présenté leur métier (billetterie, comptable, publicité, webmaster…). J’ai visité la salle d’imprimerie où d’énormes machines impriment et mettent sous plis les programmes, les pubs, les catalogues de l’Opéra mais aussi de 2 autres théâtres).
J’ai ensuite visité les parties cachées de l’Opéra avec Zakaria, le régisseur général. Ce fut un moment que je n’oublierai JAMAIS : nous sommes allés dans les cintres*, et même au dessus des cintres à 18 mètres de haut. La scène parait bien petite…
Difficile de décrire ce lieu immense où l’on marche sur des caillebottis permettant de voir sous ses pieds, et remplis de câbles métalliques qui supportent plusieurs tonnes (cintres, décors). En bas, derrière le plateau, se trouve un énorme mur anti feu, et derrière ce mur, une salle avec une porte de 12 mètres de haut donnant sur l’extérieur. C’est par là qu’arrivent les camions avec les décors.
Il y a une certaine tension aujourd’hui, le rideau continue à jouer des tours de manière aléatoire, et Elsa doit monter le ton pour garder la discipline. C’est certainement une fatigue générale…
*Cintre" (partie supérieure du plateau d'où l'on commande tout ce qui monte et descend – au théâtre, on dit "appuyer" pour monter et "charger" pour descendre, ainsi lorsque le tulle apparaît, on dit que l'on "charge" le tulle)


Samedi 16 Mars 2013
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Le spectacle prend vraiment forme. Aujourd’hui, c’est la « générale Piano, qu’on appelle aussi la « couturière » ou la générale technique, c’est une répétition de A à Z sans l’orchestre. Elsa n’a presque pas interrompu la répétition, elle prend des notes.
Nous finissons à 23h00, très fatigués (Elsa et les chanteurs). Le stage se termine et je viens de vivre une expérience extraordinaire. Quelle chance j’ai eu !

BONUS - mercredi 20 Mars 2013
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Elsa m’invite à assister à la générale. Tout le mercredi au collège, j’ai hâte d’être à l’Opéra. J’ai un peu peur pour eux, je pense au rideau capricieux, je pense à chacun des chanteurs, à Elsa et j’ai le trac pour eux.
La salle est pleine à craquer. Xavier, le Directeur de la Production fait une introduction et explique que la Générale est l’occasion de présenter le spectacle mais qu’il reste un « entrainement » avant les « vraies » représentations payantes. Il dit aussi que les chanteurs s’économiseront peut-être et que l’on ne sera pas à l’abri de petits soucis techniques. Il demande aux spectateurs d’être compréhensifs.
Elsa s’installe au milieu de la salle à mi-hauteur, avec son équipe artistique. Elle a une petite lumière qui lui permet de prendre des notes. Le spectacle est surtitré en français.
Tout s’est vraiment passé à merveille si ce n’est que le rideau a fait des siennes…ne voulant pas coulisser correctement. Le public a applaudi avec humour et encouragement les manipulations de ce rideau. La conséquence fut l’annulation d’une scène complète, celle de la tempête…mais le public ne s’en est pas rendu compte. Moi, connaissant « par cœur » le spectacle, je savais que cette scène ne serait pas jouable.
Les applaudissements sont interminables, les chanteurs sont rappelés 4 fois.
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